Scène Galante, XVIIIe siècle.

Vue avant intervention

Cette œuvre souffrait de soulèvements importants de la couche picturale : le préparation, qui est la couche située entre la toile et la couche de peinture proprement dite, est très réactive aux variations climatiques, à cause de la proportion importante d’argiles qu’elle contient. Ce phénomène est très courant pour les œuvres du XVIIIe siècles qui sont peintes sur des préparations colorées.

Ces zones de faiblesse d’adhésion doivent être traitées en toute urgence, puisque le phénomène peut se propager à l’ensemble de la peinture, entraînant alors la perte de la peinture originale.



Détail d'un soulèvement avec lacune

Détail d'un soulèvement avec lacune

Un REFIXAGE est alors opéré : il s’agit d’introduire un adhésif stable et souple dans les zones de clivages. Une colle protéinique réalisée à base de vessies natatoires d’esturgeon est utilisée pour ses très bonnes propriétés adhésives et mécaniques. Après une dizaine d’heures de refixage, l’ensemble de la couche picturale est adhérant et plan.


Le NETTOYAGE de l’œuvre consiste à supprimer les éléments qui gênent la lecture de l’œuvre à sa surface. Un décrassage a d’abord été opéré (à base d’eau et de tensioactifs non ioniques). Des tests de solubilité de vernis ont été effectués (voir Blog 07/06/2007).
Tests de nettoyage

Une fois le mélange de solvant trouvé, l’ensemble du vernis a été supprimé.

Cette peinture a cependant été largement restaurée précédemment (il y a une cinquantaine d’année). De cette restauration subsistent des repeints huileux, qui se sont oxydés rapidement, et sont donc aujourd’hui désaccordés. Ces repeints débordent sur la couche picturale originale et gênent largement la lecture de l’œuvre. Sur ces repeints, une couche de vernis, qui s’est elle aussi oxydée, a été appliquée. Les repeints huileux ont été ramollis seulement avec des solvants plus polaires, et supprimés de façon mécanique au scalpel. Une vingtaine d’heures a été nécessaire pour parfaire cette opération.
Détail montrant les désaccords de repeints anciens dans un visage

Enfin, les zones lacunaires nombreuses ont été comblées avec un mastic (voir Blog 11/07/2007) et réintégrées avec des couleurs pour restauration.





Vue d'ensemble après masticage

Dans certaines zones où une oxydation trop forte de la couche picturale résultait du contact prolongé des repeints huileux, un glacis a été ajouté en surface pour rendre l’image lisible et homogène. Après quelques heures de retouche, l’œuvre a été vernie et rendue à son propriétaire.

Vue d'ensemble en cours de retouche (avant vernissage)

CHAUVIN, Environs de Naples, REINTEGRATION

« Ce nom est pourtant digne de mémoire. [...] Chauvin possède un dessin savant comme Bertin, mais avec plus de chaleur dans le coloris. Les sites choisis de la terre italienne ont rarement trouve d'interprète plus fidèle et plus habile. »
Paul Marmottan, les Nouvelles archives de l'art français, 1889
Etat avant intervention

Etat après nettoyage


Pierre Athanase Chauvin est né à Paris en 1774 et mort à Rome en 1832. Elève de Valenciennes, il débuta au Salon de Paris en 1793 (médaille première classe en 1819). Il se fixe à Rome en 1813, où il devient membre de l’Académie de Saint Luc. II épouse en 1812 Albertine, la fille de Charles Hayard, marchand de couleurs dont la boutique était fréquentée par les peintres français de la villa Médicis, en particulier par Ingres.


Signature


L’œuvre est signée en bas, à droite. La signature est à peine lisible. Une marque de cachet est visible à gauche de la signature, mais le sondage effectué dans cette zone ne permet pas de lire ce dernier.
Etat Général





L’œuvre est en bon état (restauration récente). L’œuvre a été rentoilée il y à plusieurs décennies, la toile qui porte le numéro d’inventaire et le châssis datent de cette intervention antérieure. La toile apparaît relativement tendue, mais elle peut certainement retrouver son élasticité en atmosphère plus sèche, sans que cela nécessite d’intervention particulière. La restauration récente a consisté en un allègement du vernis et suppression des repeints. Les lacunes apparaissent visibles.Le cadre est en bois doré, il présente quelques lacunes. L’étiquette de l’encadreur « Préa-bert, successeur de Poissonneau et Co, 8, rue JJ Rousseau, Nantes » est visible sur le montant supérieur du cadre.


Propositions de traitement



La proposition initiale est la suivante : « La tension de la toile sera contrôlée dans les conditions climatiques des salles d’exposition (toile relativement réactive). La lacune principale sera réintégrée de façon illusionniste après avoir ajusté le niveau de mastic (légèrement en ressort par rapport au plan de la couche picturale). Quelques usures pourront également être reprises ».En cours d’observation, cette proposition est revue, en accord avec le conservateur, Cyrille Sciama. Nous décidons d’approfondir le nettoyage, qui laisse apparaître des hétérogénéités de vernis. L’objectif est d’obtenir une surface homogène et unie d’une part, et de garantir la suppression complète des repeints débordants et désaccordés.


Traitement



Le cadre a été démonté et dépoussiéré.Un dépoussiérage important du revers est effectué (pinceaux doux, aspiration). Un décrassage est effectué à l’eau à l’aide d’une éponge microporeuse au revers. Une clé est réalisée en hêtre teint au brou de noix pour remplacer la clé manquante.Suppression des amas de vernis et des repeints (dans la zone ancienne de déchirure). La solubilisation des vernis est effectuée à l’aide d’un bâtonnet de coton avec un mélange en proportion variables d’isopropanol et de White Spirit. Certaines zones du repeints sur supprimées au scalpel, le mastic est solubilisé à l’eau.Sur cette image, les repeints désaccordés sont visibles à l'emplacement d'une ancienne déchirure.


La suppression des repeints permet d'assainir la surface peinte afin d'assurer une retouche ajustée.
Un vernis à base de résine cétonique brillante est appliqué au spray sur la surface picturale après évaporation des solvants. La zone de retouche est isolée au vernis Laropal (résine urée-aldéhyde).




La réintégration picturale consiste à combler le niveau de lacune à l'aide d'un mastic (constitué de charge inerte telle que le carbonate de calcium et de liant comme la colle de peau).




Sur ce mastic, qui est strictement limité à la zone lacunaire, des points de couleur sont apposés. Il ne s'agit pas de peinture mais de pigments liés dans un vernis stable et neutre pour la peinture originale.



Voici les images de la retouche de la lacune du Paysage de Chauvin:








Après deux sessions de 3 heures environ, la éintégration est invisible, mais elle reste détectable pour un oeil averti.

BibliographieEmmanuel BENEZIT, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Tome 2, Librairie Gründ, 1955, p.466. Œuvre citée dans la notice de Chauvin, sous le titre « Paysage, environ de Naples ».Anne Foster, « Pierre - Athanase Chauvin (1774 – 1832), Un protégé de Talleyrand », La gazette de l'Hôtel Drouot, n° 11 - 16 mars 2001.